mardi 1 octobre 2024
mercredi 27 mars 2024
Lettre ouverte du 27 mars 2024 au Conseil municipal de Fontainebleau sur la politique d'urbanisme
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Fontainebleau Patrimoine
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Lettre ouverte au Conseil municipal de Fontainebleau sur la politique d'urbanisme
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les Conseillers municipaux,
Notre association vous écrit concernant la politique d'urbanisme de la Ville de Fontainebleau, soit en sa qualité d'autorité d'urbanisme, sur le retour de l'affaire de la Villa Baucis (I), soit en sa qualité de membre de l'intercommunalité en charge de la planification, sur le projet de programme local de l'habitat dont l'approbation est le 28 mars 2024 (II).
I. Villa Baucis : un retour d'expérience nécessaire
Il y a quelques jours notre association a informé le public du quartier du Bd Foch d'un projet de constructions au niveau de la Villa Baucis, établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) destiné à être déplacé au sein de son nouveau site rue Clément Matry (à l'esthétique contestable). Dans un tract en réponse, le Maire a indiqué qu’il s’opposerait à ces projets en mettant en œuvre un sursis à statuer et à terme une protection dans le futur plan local d’urbanisme intercommunal.
Si nous sommes ravis de cette position publique, il nous sera permis de faire observer que les « affabulations des promoteurs » pour citer l’adjoint à l’urbanisme ne sont en réalité que l’application des documents d'urbanisme actuels, aggravée par le vote récent d'une extension à ce quartier de l’opération de revitalisation du territoire (ORT). Primum non nocere.
Cela mérite explication. L'article L. 152-6-4 du code de l'urbanisme prévoit en particulier que dans le périmètre de l'ORT des dérogations au document d'urbanisme peuvent être décidés par le Maire, aux règles de retrait, aux règles relatives au gabarit et à la densité, dans la limite d'une majoration de 30 % du gabarit et de la densité prévus dans le document d'urbanisme, aux obligations en matière de stationnement, ou autoriser une destination non autorisée, autoriser une dérogation supplémentaire de 15 % des règles relatives au gabarit pour certains types de constructions dans la limite de 50 % de dépassement total. On voit qu'il ne s'agit nullement de dérogations de minimis, mais ayant un grand impact sur l'environnement et le cadre de vie.
Or, nous rappelons que par délibération de la ville de Fontainebleau du 11 décembre 2023, le périmètre de l’ORT a été étendu au secteur de la Villa Baucis permettant les spéculations des promoteurs. La municipalité était parfaitement au courant des risques et avait même anticipé des constructions dans le secteur, comme l’ORT l’indique : « L’EPHAD qui occupe la Villa Baucis est en cours de mutation, un plateau sportif municipal est proche alors que le tissu résidentiel présente quelques tènements non bâtis [note : donc restant à bétonner] alors que l’ensemble est en lisière de la forêt classée. La ville de Fontainebleau souhaite maîtriser [sic] la mutation de cette entrée de ville patrimoniale". "Cette entrée de ville entre forêt et boulevard extérieur devra dans les formes urbaines et architecturales démontrer le lien entre ville et nature, pavillons et petits collectifs, équipements et logements." ». Parler de forme urbaine, n’est-ce pas déjà accepter un bétonnage ? Ne devrait-on pas plutôt réfléchir à une réutilisation et « revitalisante » de ce site, comme par exemple un hôtel type « relais du silence » , de toute façon en accord avec le voisinage et sans destruction des parcs.
Nous pensons que parmi les gestes que la municipalité pourrait poser pour rassurer de manière plus crédible encore le quartier, il y aurait également la suppression de ce périmètre d’ORT, dont les bénéfices ne sont qu’au profit des constructeurs et non des habitants. Nous avons déjà un précédent très négatif au niveau de la rue Aristide Briand s’agissant d’un projet de bureau, pour laquelle l’ORT a permis la suppression l’obligation de tout stationnement créant une pression sur le voisinage (un contentieux est en cours selon nos informations). Nous y ajouterons l’inquiétude des habitants de la cité-jardin de la Plaine de la Chambre menacée d’une démolition-densification par un bailleur et que cette ORT dérogatoire vient renforcer.
Nous ajouterons, comme nous avons eu l'honneur de l'indiquer à l'adjoint en charge de l'urbanisme, que face à des projets dont l'architecture, la densité, la taille ou les matériaux sont en opposition avec le site remarquable de Fontainebleau, et donc contraires aux critères des recommandations de l'UNESCO, votre Ville a intérêt à se doter d'un architecte-conseil qui aime le patrimoine et les paysages, pour conseiller des constructions qui sachent s'intégrer. Il sera utile et plus économique que les bureaux d'étude qui se sont succédés sur les différentes "zones à bétonner".
II. L’approbation du programme local de l’habitat : répondre en urgence à une inquiétude forte
Pour que le discours de la municipalité puisse rassurer la population sur ses intentions en terme de bétonisation, il nous apparaît qu’une autre action de sa part pour se rendre plus crédible est nécessaire. Jeudi 28 mars 2024, les délégués de la Ville de Fontainebleau au conseil d’agglomération du Pays de Fontainebleau sont appelés à se prononcer sur l’approbation définitive du programme local de l’habitat (PLH).
Ce document s’impose au plan local d’urbanisme intercommunal dans ses objectifs de constructions. Or, Ce PLH prévoit la création de 1906 logements en 6 ans pour la CAPF. Il faudrait, rien qu'à Fontainebleau, 1000 logements, dont 600 neufs (à mettre en perspective avec les 9300 logements existants). Il faut expliquer et répéter que ce n'est pas tenable. Dans le même temps, les près de 1100 logements vacants rien que pour Fontainebleau, environ 12 % du parc (3 230 pour la CAPF) auraient dû faire l'objet d'une action prioritaire et financée pour valoriser le territoire. Depuis le courriel adressé à votre conseil le 17 juin 2023 sur le sujet, nous constatons cependant que peu de choses ont évolué. A part une ventilation différente entre le neuf et l’ancien, le nombre de logements à mettre sur le marché et identique. Mais les moyens pour la reprise de la vacance sont très insuffisants et l’État a émis une menace ainsi traduite par la note de synthèse : « Mettre en oeuvre les instruments volontaristes sur le développement d’une offre nouvelle sur la mobilisation du foncier et de l’étude des perspectives de densification (dans le cadre de l’élaboration du PLUi)."
Nous résumons ainsi la gravité de la situation induite par le projet de PLH :
- Il manque de concertation: Le programme a été élaboré sans aucune consultation des citoyens et des acteurs locaux (exemples : objectifs purement d'habitat déconnectés, projet du bunker et absence de réponse aux observations des associations environnementales).
- Il a un impact environnemental et patrimonial non évalué : Le programme se focalise sur le bétonnage à outrance, sans études d'impact sérieuses. Il implique une densification et un risque pour la trame verte, l’augmentation des prélèvements sur les ressources naturelles (eau en particulier) et usage massif du béton menacent l'équilibre écologique. L'architecture dense qu’il induit ne répond pas à la demande de classement à l'UNESCO.
- Il souffre d’une absence d'études d'impact sur les services publics et les transports : Augmentation de la population et de la circulation sans se soucier des infrastructures et services essentiels. La ligne R est déjà saturée et le réseau ne peut absorber plus de population. Quel élu peut dire le contraire ?
- Il ne tient pas compte du manque d'emplois locaux : Le ratio emploi/logements est défavorable et les nouveaux habitants seront condamnés au chômage ou à de longs trajets quotidiens.
- Son coût est exorbitant pour les contribuables : Le budget prévisionnel de 13.898.000 € en 6 ans est irresponsable et omet les dépenses liées à l'accroissement de la population.
- Les priorités ne sont pas les bonnes : ce sont la vacance et les rénovations de l'ancien (plus énergivore) par rapport au neuf qui auraient dut l'emporter.
Notre conclusion est que le projet actuel de PLH est néfaste pour l'environnement, les services publics et l'avenir du territoire. En donnant la priorité au logement, on condamne finalement globalement les autres utilisations des terrains militaires. Il est urgent d'abandonner ce projet et de mettre en place un programme économique écologique et de concertation avec les citoyens. Nous proposons de mettre en œuvre un programme économique écologique sur les terrains militaires, de réhabiliter massivement les propriétés existantes et d’engager un véritable dialogue avec les citoyens et les acteurs locaux.
Le rejet de ce PLH n’entraînera aucune sanction selon le code de la construction et de l'habitation, par contre un vote favorable de la part de votre municipalité ne pourrait être compris que comme une incohérence. Aucune municipalité ne peut soutenir qu'elle veut préserver les paysages, l’environnement et l’architecture de notre Ville d’art et d’histoire dans un site UNESCO et a contrario fixer des objectifs de mise sur le marché supérieure à 10 % du nombre de logements actuels au risque d’attenter à la volonté des habitants, la qualité de l’environnement et du patrimoine culturel, les besoins en service et en transports et la balance emplois/logements. Nous sommes convaincus que les perspectives ainsi mises en valeur pèseront lourd dans la balance et la décision que vous prendrez sera un message clair pour le public.
En vous remerciant, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les conseillers, notre considération distinguée.
Pour le Directoire,
Le Président, Dr Guillaume Bricker