mardi 5 février 1974
Quartiers anciens de Fontainebleau : arrêté du 5 février 1974
Site inscrit par arrêté du 5 février 1974
Exposé des motifs :
La protection du site a été décidée en application de la loi du 2 mai 1930 pour son caractère pittoresque.
On lit dans le dossier d’archives :
“Si François Ier fut le véritable créateur du château actuel, y amenant les artistes qui devaient créer ce style si particulier, qui prit le nom d’“École de Fontainebleau”, d’autres souverains, avant ou après lui, laissèrent les marques de leur passage dans la cité bellifontaine.
La présence des souverains et de leur cour eut pour conséquence que la ville elle-même se transforma et subit des embellissements notables. Très souvent, les artistes, architectes, artisans, jardiniers, enfin tous ceux qui travaillaient à l’agrandissement ou à la transformation du château et du parc, étaient employés aussi par des habitants de Fontainebleau, nobles ou bourgeois, pour construire leurs demeures, riches hôtels particuliers ou plus modestes maisons.
Fontainebleau a gardé tout un ensemble de ces demeures, témoins d’un passé royal, formant comme une introduction au château et au parc. Quelques protections éparses existent déjà au titre des monuments historiques, mais si l’on veut conserver l’ambiance même de ces anciens quartiers, les perspectives de ces rues où l’on retrouve une belle unité de style, une cadence harmonieuse dans la succession des façades, et aussi les nombreux jardins, souvent plantés de beaux arbres, certains d’essence rare, il est apparu nécessaire de prévoir une protection au niveau du site urbain.”
Identité :
L'histoire de la ville est aussi ancienne que celle du château royal dont l'existence est attestée en 1137, première année du règne de Louis VII. Il pourrait remonter au règne de Louis VI, voire à celui de Philippe Ier qui, pour reconstituer le domaine royal, s'empara du Gâtinais en 1068. Le hameau initial (petit groupe de maisons éloignées de la paroisse) sera délaissé quelques temps au XVe siècle, lors de l'établissement des souverains dans la vallée de la Loire, puis deviendra ville royale avec le retour, en Île-de-France dès 1527, de François Ier, le “père des veneurs”, attiré par le gibier de la forêt de Bière. C'est l'époque de la grande basse-cour, où le roi fait construire une cour de service, la future cour du Cheval-Blanc, actuelle cour des Adieux, qui englobe la chapelle du couvent que les derniers Valois feront disparaître. Elle sera reliée au bâti médiéval par la galerie “François Ier”.
L'évolution du château est en étroite relation avec le développement du bourg. Comme le souligne le travail d'Yvonne Jestaz, le hameau capétien devait se situer à proximité immédiate du château primitif, au nord d'un axe central est-ouest, le sud étant occupé par un marécage qui a donné naissance aux douves et à l'actuel étang des Carpes et servait de défense naturelle. Il est donc probable que les extensions, la basse-cour à l'ouest, le jardin de Diane au nord et la cour des Offices à l'est, aient eu raison du hameau. L’agrandissement du château s’accompagne d’un bâti “récent” du XVIe siècle, comprenant de nombreux hôtels particuliers.
Il ne reste malheureusement rien de l'hôtel de la Chancellerie, bâti après 1528, ni de celui bâti vers 1551-1558 pour Cosme Clausse, ni de cet autre rénové en 1550 pour Diane de Poitiers par Philibert de l'Orme et Antoine Jacquet, ni de celui de 1553, du contrôleur général de l'artillerie Jean Ferey, ni, enfin, de cet autre, agrandi en 1555 par Jean de l'Orme et Pierre Giraud pour le cardinal Bertrand...
Le portail du 27 boulevard Magenta appartiendrait à l'hôtel construit vers 1625 pour Étienne-Charles de Loménie de Brienne. Conty-Tambour sera son appellation au XVIIIe siècle. Seule subsiste dans une niche, une queue de salamandre crêtée qui est postérieure au règne de François Ier.
Sebastiano Serlio – qui mourut à Fontainebleau en 1554 – donna des dessins pour la construction du palais d'Hippolyte d'Este, cardinal de Ferrare. De cet hôtel dit le Grand Ferrare ne subsiste aujourd'hui que le portail, un des premiers exemples du style rustique à bossages en France. Ce véritable château urbain réunissait commodités à la française et style italien, et avait été décoré, entre autres, par Francesco Primaticcio, dit le Primatice. Il fut considéré comme le prototype par excellence de l'hôtel français. Construite en 1611-1614 par Claude Martin, l'église Saint-Louis a été entièrement refaite dans le même style en 1868, mais la chapelle à la Vierge est de style Napoléon III.
Afin d’accueillir les divertissements qu’elle destinait à Louis XV, la marquise de Pompadour fit édifier un petit pavillon dont elle confia la réalisation à ses architectes préférés, Jean Lassurance et Jean-Charles Garnier d'Isle, puis par Ange-Jacques Gabriel, premier architecte du roi. L'actuelle propriété, privée, située au 5 boulevard Magenta laisse encore admirer son aile sud-ouest et son magnifique saut-de-loup.
L'aristocratie reste particulièrement présente dans la rue Saint-Honoré, comme en témoignent l'hôtel de Bellune au 4, l'hôtel de Polignac au 23, l'hôtel de Conti au 27, l'hôtel de Bontemps au 29 et l'hôtel d'Aligre au 49.
L'Empire donnera un nouvel essor à la ville, de nombreux hôtels particuliers seront transformés en hôtels de tourisme, et des casernes seront bâties pour les régiments de hussards. L'École d'application de l'artillerie de Fontainebleau sera installée au quartier des Héronnières de 1872 à 1940 ; elle cédera la place au 120e régiment du train de 1973 à 1993, puis au 602e régiment de circulation routière de 1993 à 1999.
État des lieux :
Situé à l'angle du boulevard Magenta et de la rue Saint-Louis, le Petit cadran-bleu, hôtel Launoy, construit au début du XVIIe siècle, résulte du démembrement des hôtels de Ségur, de Beaufort, de Rohan et de La Rochefoucauld. Inscrit à l'inventaire des monuments historiques depuis 1929, il est aujourd'hui à l'abandon.
Le grès (grès stampien de Fontainebleau) est présent dans toute la ville. Du plus banal pavage de route jusqu'à la pierre du château et des hôtels, clefs de voûte, bossages, ornements, fabriques, la ville regorge de réalisations exceptionnelles, révélant l'habileté du tailleur, comme le portail du Grand Ferrare ou la grotte des Pins. Le grès, commun autrefois, se raréfie pour faire place aux mortiers, granits et asphaltes.
Fort heureusement, il existe à Fontainebleau des réalisations exemplaires comme en témoigne la maison des Compagnons, au 26 rue de la Cloche. Cette bâtisse du XVIIe siècle a bénéficié d'un remarquable travail de restauration dirigé par le Comité de défense, d'action et de sauvegarde de Fontainebleau, avec le mécénat de nombreuses entreprises locales et le concours de l'État. Elle abrite de nombreuses associations, mais la réussite de ce programme n’a pas fait beaucoup d’émules.
Orientations pour la gestion à venir :
Il serait regrettable de poursuivre la démolition du vieux Fontainebleau et de lui substituer des constructions résidentielles, alors que la restructuration du quartier des armées va entraîner le départ de trois mille personnes et que le nombre de logements vacants y est d'ores et déjà très important.
Il est urgent d'effectuer un recensement précis du patrimoine qui ne figure pas sur la liste de l'inventaire des monuments historiques.
La Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), en cours d'élaboration, couvre l’ensemble de la commune de Fontainebleau.
Un travail urbain de fond doit être entrepris et étendu à l'ensemble de la cité pour éviter que Fontainebleau sombre, à jamais, dans l’ordinaire.